Vers un paysage vivant

Parti-pris

Vers un paysage vivant

Retour aux sources

Les ingénieurs urbains et les paysagistes ont eu des instructions spécifiques, dans le passé, pour ne pas planter des arbres ou des buissons utiles, et cela explique la nature curieusement improductive des plantations publiques d’aujourd’hui. Mais le temps est venu de changer, dans ce domaine et dans d’autres aspects de l’environnement. Il est temps d’utiliser les compétences des personnes âgées, retraitées, sans emploi, qui peuvent nous aider à nous rendre indépendants des fluctuations du climat, des contraintes énergétiques, et du contrôle multi-national. Une permaculture peut être entreprise à n’importe quel niveau, du jardin privé aux projets d’envergure nationale, en tant qu’affaire de simple décision personnelle.

Bill Mollison & David Holmgren dans Permaculture 1, chapitre 10.4 « Permaculture et névrose urbaine », 1978

C’est comme si un arbre, un buisson, une plante grimpante, une herbe présentant quelque utilité pour l’homme était choses honteuses, et comme si c’était un signe de promotion sociale que de faire seulement pousser des plantes inutilisables: le style ostentatoire des nouveaux riches

Bill Mollison & David Holmgren dans Permaculture 1, chapitre 10.1 « Permaculture en ville », 1978

Vers un autre regard ?

A la lecture de ces deux extraits de Permaculture 1, le livre fondateur de la permaculture, paru il y a 40 ans, il apparaît évident qu’aujourd’hui, en France, peu de choses ont changé. Les paysages composés dans les espaces publics ne comportent toujours (surtout?) pas de plantes comestibles, et les demandes qui sont formulées par les institutions restent toujours tournées autour de plantation… sans saveur.

Je me souviens encore de la liste que j’avais obtenu de la mairie de Paris des plantes « prohibées » à proximité des squares et des aires de jeux où des enfants pouvaient se trouver. Cette liste comprenait entre autre les tulipes, dont les bulbes étaient susceptibles d’être consommés par les jeunes bambins.

Évidemment, une des raisons invoquée par les pouvoirs publics à ces directives, est qu’en cas d’ingestion des plantes par une personne, si elle la rend malade, c’est l’édile qui est responsable aux yeux de la loi.

Cet état de fait n’est pas sans m’interroger: cela revient à accepter d’être toute sa vie un citoyen materné (contrôlé?), de laisser son libre-arbitre de côté, de ne pas surveiller ses enfants et de ne pas chercher à apprendre à discerner ce qui est consommable de ce qui ne l’est pas.

Mais au-delà de cette question de responsabilité, une autre question soulevée par cette volonté est: pourquoi? Dans quel but?

Bill Mollison et David Holmgren parlent de « style ostentatoire des nouveaux riches », et, si je me réfère aux souvenirs de mes cours sur l’art des jardins, je serai tentée de leur donner raison.

A l’origine, les jardins comportaient des plantes comestibles, bien évidemment, car elles faisaient partie intégrante de la vie de chacun. Souvenons-nous qu’au Moyen-Age, les religieux.ses avaient des jardins médicinaux dans leurs monastères et couvents, qui comprenaient donc des plantes utiles à l’homme.

Puis, les siècles passants, la population grandissant, les castes et autres catégories sociales se sont affirmées, les inégalités se sont creusées et avec elles, le « besoin » d’afficher son rang. Ainsi, les jardins de plantes consommables se sont vus peu à peu relégués loin des fenêtres de la demeure cossue.

Le potager a été parqué, le verger aussi. Cultiver des plantes « juste » belles, pour elles-mêmes, était devenu un signe de richesse. Ainsi, les grandes demeures comprenaient des potagers, mais ceux-ci étaient exilés plus loin, au-delà des pelouses et autres massifs de fleurs.

Je me souviens d’une maison d’enfance « bourgeoise » dont le jardin avait conservé cette logique de la fin du XIXème: au plus près du bâti de grands arbres, des fleurs et des pelouses, et au-delà d’une haie, en fond de parcelle, le potager et le verger, lesquels hantent toujours aujourd’hui mes rêves. Ils étaient loin, probablement cultivés par le personnel de maison qui œuvrait alors.

Pourtant quel endroit fantastique, avec ses poiriers palissés, prunier, groseilliers, pommiers, fraisiers et autre abricotier! Un lieu où tout enfant aimait à passer du temps pour chaparder des fruits mûrs, juteux à point, chauffés par les rayons du soleil…

Les jardins de la Fraternité Ouvrière – La Graineterie
Paysage vivant

C’est donc, en quelque sorte, à une révolution que nous invite le design permaculturel par rapport à cette vision: le zonage de notre jardin doit nous conduire à mettre au plus près de nous ce qui nécessite les plus grands soins, et le potager est évidemment de ceux-la.

Il va donc falloir s’habituer à voir des potagers au devant des maisons et/ou concevoir des massifs plantés qui comprennent des plantes diversement utiles, tant à l’homme qu’à l’environnement.

C’est un fait: pourquoi se contenter d’un jardin « juste beau » lorsqu’il peut aussi être comestible, médicinal, mellifère et améliorer la qualité de son sol? C’est cette vision élargie que porte l’Atelier l’Embellie: concevoir des jardins, beaux, vivants et comestibles.

A travers la recherche de plantes profitables à l’écosystème local, dont les propriétaires font parti intégrante, l’ambition de l’Atelier l’Embellie est de créer des espaces de vie accueillants, esthétiques mais aussi utiles: parce qu’un jardin est le reflet de ses propriétaires et des valeurs qu’ils portent.

Ces jardins sont aussi une invitation à renouer avec le végétal, matière vivante et vibrante, qui nous relie à nos origines.

Prendre le temps de « cultiver son jardin », comme le disait le Candide de Voltaire, c’est échapper pour quelques temps à la frénésie de la société, ré-apprendre à observer, à toucher, goûter, se soigner et cuisiner.

C’est avoir la fierté de manger de la nourriture que l’on a soi-même planté, arrosé et vu fructifier.

C’est se reconnecter au vivant dans son ensemble: faune et flore, visible et invisible (pensons à tous les artisans qui font le sol, mais que l’on ne voit pas).

C’est gagner en autonomie, en indépendance et donc être plus résilient, dans un monde qui est de plus en plus sujet aux changements brutaux.

Une véritable révolution déguisée en jardinage biologique!

Les jardins de la Fraternité Ouvrière – Mouscron

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