Des abeilles et des hommes

Film

Des abeilles et des hommes

Des abeilles et des hommes, Documentaire de Markus Imhoof, février 2013

Ce documentaire parle du déclin de la population d’abeilles dans le monde et s’interroge sur les causes et les conséquences de leur disparition.

Albert Einstein aurait dit:

Si l’abeille disparaissait du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre.

Entre 50 et 90% des abeilles ont disparu depuis quinze ans. Cette « épidémie » court de ruche en ruche sur toute la planète. Partout, c’est le même scénario : par milliards, les abeilles quittent leurs ruches pour ne plus y revenir. Or les abeilles assurent la pollinisation de quasiment tous les végétaux que nous consommons à l’exception des céréales, qui se pollinisent par le vent. Un monde sans abeille deviendrait un monde sans légume et sans fruit… Triste tableau!

Ce documentaire date de 2013 mais reste d’actualité, je ne l’ai visionné que récemment et j’ai été éblouie par la beauté de certaines prises de vue.

Le réalisateur a réussi à pénétrer au cœur de la ruche, on y voit les abeilles communiquer les unes avec les autres, élever ensemble le couvain, bâtir la ruche, danser pour se donner le chemin… Ces images sont saisissantes et « valent le détour »!

Les abeilles, ce monde merveilleux

J’ai aussi appris sur ces insectes bien des choses que j’ignorais jusqu’ici:

  • ce qui fait qu’une abeille devient Reine est la nourriture qu’on lui donne: la gelée royale. La larve « de départ » n’est pas différente, c’est ce qu’elle consomme qui lui permettra d’acquérir ses attributs royaux. Cela m’évoque cette maxime d’Hippocrate qui disait:

Que ta nourriture soit ta première médecine!

Encore une fois, on observant tout simplement comment fonctionne la Nature, on voit l’importance de l’alimentation à l’échelle de ce merveilleux insecte et l’on peut s’interroger de l’effet de la nourriture que nous ingurgitons actuellement sur nos propres organismes…

  • la fécondation de la reine se fait en plein vol, par des faux-bourdons, c’est ce qu’on appelle le « vol nuptial ». La reine collecte ainsi le sperme de différents mâles dans sa spermathèque, ce qui lui permettra d’être par la suite autonome pour enfanter.
  • la reine vit jusqu’à 8 ans et pond… 2000 œufs par jour!
  • les fleurs produisent du nectar expressément pour les abeilles, afin de les attirer et les utiliser pour leur pollinisation. Ce nectar ne participe pas à la reproduction de la plante, en revanche il est indispensable à la vie de l’abeille. L’abeille en venant butiner le nectar sert de véhicule au pollen qui se colle à ses poils et sera ainsi acheminé sur une autre fleur. Mais ce qui m’a étonnée est le fait que ce nectar, une fois ramené à la ruche est donné à une autre abeille, qui va le mâcher et c’est le résultat de cette mastication par l’abeille que nous appelons le miel! Ainsi, j’ai appris que le miel était l’adjonction de salive d’abeille et de nectar de fleur. Je vais à présent regarder tout autrement mes pots de miel! Et réfléchir au fait que pour déguster mes 500 grammes de miel il a dû y avoir des centaines, voir des milliers de petites abeilles qui ont mastiqué ce nectar. Incroyable!
  • j’ai aussi découvert qu’une race d’abeille présentée dans le film, des abeilles noires qui vivent dans une vallée suisse, hiberne pendant 6 mois: elle a été domestiquée et acclimatée à son environnement afin de survivre dans les rudes conditions montagnardes. Ainsi, il n’existe probablement plus d’abeille Apis mellifera naturelle: elles ont toutes co-évolué avec l’homme.

Apicultures du monde

Le film nous conduit aux quatre coins du monde, et l’on croise différent types d’apiculteurs:

  • l’apiculteur « industriel » américain, qui a des centaines de ruches, qu’il fait transhumer pendant de longs voyages de 2 jours à travers tous les États-Unis, pour polliniser les vergers. Le film débute par ces images de vergers d’amandiers en fleurs, qui sont de toute beauté, sauf que lorsque l’on creuse un peu, se cache une production industrielle tout sauf écologique. Les abeilles vont polliniser pendant 1 mois les fleurs d’amandier, mais le producteur traitera quand même tous ses fruitiers malgré la présence des abeilles: celles-ci rentreront à la ruche aspergées de produits toxiques et contamineront leurs sœurs. Les premières phrases de cet apiculteur parle d’argent: le ton est ainsi donné sur sa mentalité. En écoutant le bourdonnement de ses abeilles il dit:

That’s the sound of money! / c’est le son de l’argent

Le film revient par la suite sur la façon dont il fait son miel, traite les cadres des ruches, mélangeant les essaims sans aucune considération pour l’organisation sociale des ruches. Une certaine violence se dégagent de ces images… Le réalisateur commente ce passage par un:

Les végétariens aussi participent à l’exploitation animale

Ce que je nuancerai par: s’ils consomment du miel industriel! Mais là encore, à nous de faire des choix en conscience pour nous garantir une alimentation de qualité…

  • on croise aussi un autre apiculteur du Sud des États-Unis, qui nous parlent des abeilles dites « tueuses », et nous explique pourquoi il en est arrivé à travailler avec elles. Leur miel est exempt de produits chimiques et médicaments, alors que dans celui des abeilles domestiquées, on peut en retrouver des traces, ces abeilles sont certes beaucoup plus agressives mais elles sont aussi plus résistantes aux maladies et autres parasites. Cet apiculteur partage aussi de belles réflexions humanistes lorsqu’il chemine le long de la frontière mexicaine agrémentée de ses immenses barrières, s’interrogeant sur cette volonté de repli sur soi et de défense vis-à-vis des migrants, alors que ces abeilles « tueuses » se sont elles mêmes échappées de laboratoires brésiliens, puis acclimatées à leur nouvel environnement, avec des bénéfices pour certains.
  • le film nous emmène aussi dans une région chinoise où des ouvriers coupent les fleurs de fruitiers pour en extraire le pollen, puis le revendre pour réaliser une pollinisation manuelle d’autres fleurs! En effet, on nous explique que Mao aurait jugé que les moineaux volaient les graines de la population et il aurait donc fait exterminer les oiseaux. Ce qui a eu pour conséquence de faire pulluler la vermine et de décimer les abeilles. Aujourd’hui, dans cette région, ce sont donc les humains qui pollinisent, fleur par fleur. Etrange tableau! Cette histoire illustre bien les conséquences que nos actions peuvent avoir sur les écosystèmes naturels: chaque élément du système a sa place, le tout est de n’en pas perturber l’équilibre et ne pas se croire calife à la place du calife!
  • En Australie, les colons ont emporté avec eux des abeilles européennes, qui se sont naturalisées. Ces abeilles sont l’objet de nombreux espoirs, car elles sont un réservoir génétique à l’échelle de la planète. Elles font d’ailleurs l’objet d’études scientifiques: les scientifiques font des croisements entre ces abeilles naturalisées et les abeilles domestiques pour étudier le comportement de ces « hybrides ». Et pour éviter que ces nouveaux « spécimens » n’échappent à leurs créateurs, elles ont été installées sur une île déserte au large des côtes.

A apiculture mondiale: conséquences mondiales

Le film illustre aussi le fait que l’apiculture s’est aujourd’hui mondialisée: en effet, les échanges d’abeilles se font d’un continent à l’autre. Des reines sont ainsi élevées et sélectionnées par des apiculteurs suisses pour être ensuite expédiées dans d’autres pays. On procède ainsi à un brassage génétique planétaire mais en contre-partie, l’échange de parasites et de maladies devient lui aussi mondial!

A ce jour, seul l’Australie est exempte du terrible acarien, le Varroa, qui cause de grands dommages aux colonies d’abeilles en les décimant.

Une fois encore, l’on voit ici comment les échanges planétaires entraînent des conséquences lourdes auxquels les intérêts financiers qui avaient prévalu au départ ne s’intéressent guère.

Ces derniers mois, plusieurs campagnes de sensibilisation au sort des abeilles ont été relayées, afin d’alerter l’opinion public. Mais l’on entend souvent davantage parler du problème du (méchant) frelon asiatique, qui truciderait les abeilles.

Il existe, c’est bien vrai, mais c’est un peu… « l’arbre qui cache la forêt »: une cause importante de la mortalité des abeilles est l’utilisation massive de produits phytosanitaires qui empoisonnent les abeilles (et nous). Ici encore, c’est l’étranger, jugé « invasif », qui est pointé du doigt, ce qui est bien commode pour nombre de lobbys afin de cacher les réels causes… Le parti-pris est du reste aussi répété concernant les plantes dites « invasives ».

Cette façon de voir les choses est un peu comme si l’on voulait avoir les avantages sans les inconvénients. Vouloir manger des haricots verts kényans en plein hiver sans voir de migrants kényans sur notre territoire: mais quand on met à mal une économie locale en la mondialisant n’est-ce pas un juste retour des choses?

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